Sylvie Moreillon a, de longue date, orienté ses activités artistiques vers le monde de la construction. Fascinée par les somptueux et étonnants hiéroglyphes creusés dans la molasse par les haveuses participant à la réalisation des tunnels, Sylvie Moreillon y consacre sa nouvelle exposition.
Ces traces furent d’abord relevées dans le chantier du métro M2 à Lausanne, puis dans de nombreuses galeries en Suisse. C’est ensuite à Ursy, lors de l’agrandissement de gigantesques caves à fromage, qu’elle les a trouvées dans leurs plus spectaculaires expressions.
Le travail présenté à la Grange à Jouxtens et le fruit d’une longue recherche, tant technique qu’artistique : capter la trace, la restituer sous forme de voilages de molasse reconstituée, de dessins à l’encre de chine, d’huiles sur toile ou encore de calligraphies sur fibre de verre, la mettre en scène en témoignage d’une activité souterraine phénoménale et anonyme. En bref : la trace dans tous ses états…
Article de La Côte du 15 août 2013:
Les sculptures en molasse à l’honneur à Jouxtens
L’artiste vaudoise Sylvie Moreillon expose du 31 août au 22 septembre ses sculptures en molasse à La Grange, à Jouxtens.
La Grange à Jouxtens (VD) accueille les sculptures de molasse de Sylvie Moreillon. Dans l’exposition « Tracks and Traces », l’artiste vaudoise magnifie le travail des haveuses et autres machines de chantier. A voir du 31 août au 22 septembre.
Fille d’architecte, passionnée par le milieu de la construction, également férue d’archéologie, Sylvie Moreillon s’intéresse à la trace, à l’empreinte fugace des machines. Mais aussi et surtout au labeur ignoré des travailleurs qui creusent dans la nuit.
Ainsi, après avoir observé pendant trois ans les travaux du M2 dont elle a tiré une centaine d’oeuvres, Sylvie Moreillon a pu accompagner, fin 2010, le chantier de Mifroma, à Ursy (FR). L’entreprise d’affinage de fromage de Migros creusait dans le roc molassique afin d’augmenter sa surface.
Pendant huit mois, l’artiste a suivi le labeur des ouvriers, captant les draperies mécaniques et aléatoires créées par les machines sur la molasse, relevant les empreintes des haveuses. De longs mois lui ont ensuite été nécessaires pour reproduire les dessins des engins, à l’aide notamment de molasse récupérée sous la Cathédrale de Lausanne lors du chantier du métro M2.
En tandem
« Cette roche est une matière extraordinaire, à la fois souvenir de la préhistoire et témoignage d’un passage récent. Mais la technique pour réaliser des oeuvres fines, stables et solides a été longue à mettre au point », raconte la Lausannoise.
Pour concrétiser ses oeuvres, Sylvie Moreillon travaille avec son complice et voisin, le mécanicien Pierre Comte, « qui possède la créativité nécessaire à la résolution des problèmes techniques, liés principalement au travail du métal. «Il m’a appris à souder. Nous nous complétons », relève-t-elle.
Lumières changeantes
Une partie de la quarantaine de sculptures réalisées à partir du chantier d’Ursy sera présentée dès fin août à la Grange à Jouxtens. Des toiles vivement colorées les accompagnent, évoquant les spirales des tuyaux d’évacuation. Encres de chine et acryliques sur fibre de verre complètent le projet.
Le support fait partie intégrante de la création. Les sculptures de molasse, imbriquées dans des chevalets de peintre, acquièrent ainsi leur statut d’oeuvre d’art. La lumière joue également un rôle essentiel. Selon l’éclairage, les traces des haveuses revêtent des nuances insoupçonnées, ouvrent des perspectives infinies.
Oeuvres publiques et privées
Récemment, le tandem Moreillon-Comte a inauguré la sculpture du giratoire d’Epalinges dédiée au don de sang. La réalisation s’intègre dans un espace plus vaste d’une douzaine de personnages qui jalonnent le parcours de la ligne de bus reliant Montblesson au Chalet-à-Gobet.
Le duo a aussi collaboré pour réaliser le puzzle gigantesque qui orne les murs du parking de Mon Repos, à Lausanne. Pendant la construction du M2, Sylvie Moreillon a longuement photographié les ouvriers et les galeries souterraines, grâce à l’appui des autorités, notamment celui du municipal des travaux Olivier Français.
Des images qui l’ont inspirée pour ses créations. Mais l’artiste puise également ses idées dans la matière brute: l’atelier de Pierre Comte abrite encore quatre tonnes de déchets métalliques et de rail du m2, prêtes à se transformer en oeuvre d’art.
Source: ATS (Nicole Busenhart)
Site web de l’artiste: sylviemoreillon.com